Vignon, Église de la Madeleine

Pierre-Alexandre Barthélémy Vignon, complété par Jacques-Marie Huvé, Église de la Madeleine, 1807-1845, 108m de long x 43m, Place de la Madeleine (Paris, La France)

Fond

La place de la Madeleine avait été consacrée comme site dédié à Marie-Madeleine en 1182. Durant la période dite de la Première République (1792-1804), après la Révolution française, les fondations des édifices sacrés antérieurs ont été enlevées et des discussions ont eu lieu sur ce qu'il fallait faire avec l'espace. Comme la France avait été déchristianisée pendant la Révolution, une fonction civique plutôt que religieuse pour le bâtiment a été décidée; diverses suggestions ont été avancées dont un nouveau site pour la Banque de France.

Les réflexions ont été arrêtées, cependant, lorsqu'en 1804 Napoléon se couronne empereur. Ce qui suivit fut l'un des programmes de propagande les plus ambitieux du XIXe siècle. En plus de piller les œuvres des plus belles collections du monde à exposer dans le Louvre récemment rénové, rebaptisé Musée Napoléon, certains des plus grands artistes et sculpteurs de l'époque ont été recrutés pour exalter le nouvel empereur. Il était normal que Napoléon se tourne vers les architectes, trop, réaliser sa vision d'une capitale impériale. Trois monuments particulièrement remarquables ont été construits dans ce but :l'Arc de Triomphe, la colonne Vendôme et l'église de la place de la Madeleine.

Il n'a jamais été dans l'intention de Napoléon de construire une église pour Marie-Madeleine, bien que. Pour lui, le nouveau bâtiment se dresserait comme un temple à la gloire de l'armée, et par là, bien sûr, il voulait dire sa propre armée impériale, cette bande bien organisée de maraudeurs qui, ayant vaincu les Autrichiens à la bataille d'Austerlitz en 1805, avait réussi à supplier une grande partie de l'Europe. Pour célébrer leur réussite, un concours pour sélectionner le meilleur design pour le temple a été créé en 1806 pour être jugé par un jury choisi par l'Académie impériale. Comme ça s'est apparu, le jury s'est montré académique à plus d'un titre, leurs opinions comptent pour peu comme, malgré leur désapprobation, Napoléon opta pour les dessins d'un Pierre-Alexandre Vignon (1763-1828).

Maison Carrée, c. 16 avant notre ère (Nîmes, Provence)

Vignon, qui avait été formé auprès du grand architecte néoclassique Claude Ledoux, envisageait un temple périptère (un temple entouré d'une seule rangée de colonnes). Manquant du caractère plus visionnaire de Ledoux, cependant, La conception de Vignon pour l'extérieur était essentiellement une version agrandie du Maison Carrée à Nîmes.

L'extérieur

Entablement (détail), Église de la Madeleine, 1807-45 (Paris)

Contrairement au Maison Carrée bien que, le portique de la Madeleine a huit colonnes au lieu de six. Ces colonnes corinthiennes romaines cannelées - il y en a cinquante-deux en tout - s'élèvent à une vingtaine de mètres et englobent l'ensemble de la structure. L'entablement qu'ils supportent est agrémenté d'une architrave bipartite surmontée d'une frise à décor de guirlandes et putti.

Bien qu'il ne soit pas aussi orné, les caractéristiques, en général, reproduire celles trouvées sur le temple romain. Les denticules, ces blocs en forme de dents répétés qui ornent la corniche, semble plus volumineux, cependant, conférant à la façade un caractère un peu plus austère.

Entablement (détail), Maison Carrée v. 16 avant notre ère (Nîmes, Provence)

Alors que l'extérieur porte les marques de la propagande napoléonienne, évoquant la grandeur de la Rome impériale, après sa chute, la Restauration Bourbon (1814-30) a cherché à raviver les relations entre l'Église et l'État. Pour cette raison, il a été décidé, comme le temple était encore incomplet, pour revenir à la finalité pré-révolutionnaire du projet de construction, à savoir construire une église dédiée à Marie-Madeleine.

La frise du fronton

Contrairement à la conception napoléonienne du temple, la frise du fronton, conçu par Philippe Joseph Henri Lemaire en 1829, est un chef-d'œuvre de la propagande de la Restauration Bourbon. Le sujet est Le Jugement dernier , un motif séculaire que l'on retrouve sur les sculptures en relief au-dessus des portes d'innombrables églises et cathédrales. Alors que Lemaire suit largement les conventions iconographiques, représentant le Christ Juge au centre de la composition et à sa droite l'archange Gabriel avec sa corne annonçant le Jour du Jugement et à sa gauche l'archange Michel brandissant l'épée de justice, c'est dans la figure de Marie-Madeleine agenouillée au pied du Christ que se révèle le message sous-jacent de la sculpture.

Marie-Madeleine a des liens très forts avec la France. Selon la tradition, elle a été parmi les premiers prosélytes chrétiens :après la crucifixion, elle a voyagé en Provence depuis la Terre Sainte pour convertir les Français au christianisme. Elle est aussi, bien sûr - quoique à tort - souvent dépeint dans l'art et dans la littérature comme une prostituée repentante, comme en effet elle est ici; avis, par exemple le contraste entre les figures féminines vertueuses à droite dont les corps sont cachés et son propre état de semi-nu.

Henri Lemaire, Jugement dernier fronton, Église de la Madeleine, 1829-42, Place de la Madeleine (Paris)

En plus d'un simple Jugement dernier, l'inclusion de la figure de la Madeleine repentante a conduit certains à lire la frise comme une allégorie politique dans laquelle les damnés défendent ceux qui avaient été impliqués dans la Révolution et qui, aux yeux du régime monarchiste restauré, étaient effectivement des traîtres. Étant donné qu'une si grande partie des Français entre dans cette catégorie, plutôt que de les condamner et de les punir, ils ont été appelés à se repentir de leurs péchés, comme l'avait fait Madeleine, avant d'être de nouveau embrassé dans les bras de l'establishment au pouvoir.

Contrairement à l'Angleterre ou l'Amérique disons, où les programmes de construction publique tels que le British Museum ou le Capitole affichent une confiance résolue, l’architecture de l’État en France à cette époque reflète le paysage politique complexe et conflictuel du pays, composé de républicains qui avaient combattu pour la Révolution, des impérialistes qui avaient suivi Napoléon et des monarchistes fidèles au roi. L'aspect et la sensation instables de La Madeleine est un excellent exemple de cette tendance, particulièrement dans le contraste saisissant entre l'extérieur du bâtiment et son intérieur.

Intérieur

Pierre-Alexandre Barthélémy Vignon, complété par Jacques-Marie Huvé, intérieur (narthex) de l'église de la Madeleine, 1807-1845, 108m de long x 43m, Place de la Madeleine (Paris)

En entrant dans l'église, nous sommes confrontés à un spectacle étonnamment opulent, surtout compte tenu de la sévérité de son extérieur. Debout dans le narthex (porche) de l'église, nous levons les yeux pour voir une voûte en berceau à caissons, richement doré comme le reste de l'intérieur. Au-dessus de la porte se trouve le célèbre orgue à tuyaux sur lequel ont joué des compositeurs comme Camille Saint-Saëns et Gabriel Fauré.

Se retournant et descendant la longue nef, on passe sous trois grands dômes, soutenu par des pendentifs (tronçons triangulaires de voûte entre le rebord d'un dôme et les arcs qui le soutiennent), décoré de figures en relief colossales. Chaque dôme est à caissons et possède un oculus vitré laissant passer la lumière, caractéristiques qui rappellent évidemment le Panthéon.

Intérieur de l'église de la Madeleine, 1807-45 (Paris) (cliché :wagner51, CC BY-SA 2.0 FR)

Reconstitution des thermes de Caracalla (dessin de reconstruction de 1899)

Trois paires de larges baies sont ainsi créées, chacune avec des niches à fronton soutenues par des colonnes ioniques qui servent à former des autels latéraux. Loin du type de temple classique, l'extérieur laisse supposer, les historiens de l'architecture ont comparé l'intérieur de l'église à celui des thermes romains; les triples voûtes croisées des Thermes de Caracalla, par exemple, peut bien avoir été dans l'esprit de Vignon lors de la conception de ces dômes.

A l'extrémité nord se trouve le demi-dôme de l'abside, sous lequel se trouve l'autel et derrière lui une statue merveilleusement théâtrale de Carlo Marochetti de Madeleine soulevée par des anges, un bel exemple de sculpture romantique.

Carlo Marochetti, Marie-Madeleine exaltée par les anges , 1841, 449 cm, marbre, Église de la Madeleine (Paris)

Au dessus de, dans la coupole du chœur, est la peinture murale de Ziegler intitulée L'histoire du christianisme , montrant Madeleine montant au ciel portée par trois anges.

Jules-Claude Ziegler, L'histoire du christianisme , 1835-38, mural, Église de la Madeleine (Paris)

Au-dessous d'elle, Napoléon dans ses robes de couronnement, placé au centre de la scène, sa figure directement alignée avec celle du Christ. Face à lui, le Pape Pie VII, avec qui il signe le Concordat de 1801, un document qui a rétabli l'autorité de l'église catholique en France après la Révolution et dont il est fait allusion sur le rouleau que le cardinal qui se tient derrière Napoléon porte dans sa main gauche.

C'est une peinture curieuse, achevé sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) lorsque le roi libéral, Louis-Philippe, lutté pour réconcilier ces factions politiques rivales. Que Napoléon avait en fait une très mauvaise opinion de l'église et cherchait à limiter ses pouvoirs en France est, bien sûr, ni ici ni là.

Dans ce monde les révolutionnaires, comme Madeleine, se sont repentis, Il est démontré que Napoléon a sauvé la mise et l'église et par association la monarchie catholique sont restaurées à leur juste place dans l'ordre naturel des choses. Malheureusement, pour Louis-Philippe, c'est une réimagination follement optimiste de l'histoire, celui qui à la fin - comme les événements violents de 1848, l'année des révolutions, démontrée – se révélerait mal fondée.





Classicisme
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