Tête de femme (La Scapigliata) de Léonard de Vinci

Dans les croquis de Léonard de Vinci, de nombreuses parties se perdent dans l'obscurité, ou sont laissés intentionnellement incertains et mystérieux, même à la lumière, et vous pourriez d'abord imaginer qu'une permission d'évasion vous avait été donnée ici de la terrible loi de délimitation. Mais la moindre tentative pour les copier vous montrera que les lignes terminales sont d'une subtilité inimitable, indiscutablement vrai, et remplis par des gradations d'ombre si déterminées et mesurées que l'addition d'un grain de plomb ou de craie aussi gros que le filament d'une aile de papillon y ferait une différence appréciable.

Il n'y a peut-être pas au monde un autre exemple d'un génie aussi universel, si inventif, si incapable de s'accomplir, si plein de nostalgie pour l'infini, si naturellement raffiné, bien en avance sur son siècle et les siècles suivants. Les figures de Léonard de Vinci révèlent une sensibilité et une intelligence incroyables; ils sont pleins d'idées et de sentiments inexprimés. À côté d'eux, David de Michel-Ange n'est qu'un athlète héroïque, La Vierge Sixtine de Raphaël, seule fille placide dont l'âme non éveillée n'a jamais connu la vie.

Les portraits de Léonard ressentent et réfléchissent à chaque caractéristique et à chaque expression; il faut du temps pour établir un dialogue avec eux; non pas que leur sentiment ne soit pas assez clair, au contraire, il éclate de toute la figure, mais c'est trop subtil, trop compliqué, trop en dehors et au-delà de l'expérience ordinaire, trop insondable, trop inexplicable. Leur immobilité et leur silence nous permettent de deviner deux ou trois couches de pensée et d'autres pensées plus profondes, se cacher derrière la couche la plus éloignée; on discerne vaguement cet intime, monde secret, comme délicat, végétation inconnue sous les profondeurs de l'eau transparente.





Léonard de Vinci
Léonard de Vinci